Le ROC (Regroupement des Organisations du Court) a organisé la 5ème édition de sa journée professionnelle, ce jeudi 14 mars 2019 au Ciné 104 de Pantin, à l’occasion de la « Fête du court métrage ».

Le ROC tient tout d’abord à remercier Côte Court et le Ciné 104 de Pantin pour leur accueil, Xavier Leherpeur pour la modération des tables rondes, les chercheurs ayant accepté de les introduire, l’ensemble des intervenants et le public, mobilisé comme chaque année.


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La première table ronde de cette journée a permis d’interroger la place des nouveaux moyens de production en faveur de l’émergence des nouveaux talents. La légèreté et l’accessibilité technique ont permis une multiplication des pratiques de création. Selon Sejeong Hahn, doctorante à Paris 3, le développement des nouveaux outils « facilite le passage à la pratique », notamment pour les amateurs autodidactes ou les cinéastes en devenir. Néanmoins, cette nouvelle manière de créer, fortement basée sur le « do it yourself », se cherche des garants à travers concours et festivals, notamment en ligne.

Parmi les festivals en ligne, Alexandre Dino, du Nikon Film Festival, insiste sur l’importance de la créativité émanant d’un concours ayant une durée et un thème imposé, qui « permet de donner une réelle visibilité à des auteurs dans une logique de tremplin ». En effet, si l’accès direct à la diffusion sur Internet a ouvert un champ de création inédit, ce nouvel environnement créatif s’articule à unese pense, pour nombre de réalisateurs, comme une étape vers une économie économie plus classique du court métrage.

Guillaume Renusson, réalisateur qui prépare actuellement son premier long métrage et lauréat du Mobile Film Festival, insiste sur le fait que malgré le fait d’avoir tourné un film avec son téléphone portable, « même avec un téléphone portable, il faut réfléchir à la mise en scène et à la question du point de vue, ce ne sont que les moyens qui changent avec le passage à la production dans des conditions professionnelles » et a évoqué le parcours avec son équipe (scénariste, chef opérateur, compositeur), avec lesquels « il était sur le banc de l’école de cinéma ». Guillaume Renusson a également souligné l’importance des structures d’accompagnement telles que la Maison du Film qui accompagnent les créateurs émergents.

À ce sujet, Sébastien Lasserre, co-directeur du festival de Gindou, a présenté le dispositif d’accompagnement « La Ruche » qui vise à accompagner « des apprentis cinéastes qui œuvrent dans les marges et qui font par eux-mêmes », éloignés du réseau professionnel.

Lucie Fichot, productrice (Folle Allure), rebondit en soulignant l’intérêt pour elle d’aller « chercher des jeunes auteurs éloignés géographiquement ou culturellement du monde du cinéma », qu’elle accompagne souvent sur leurs premiers films.

Dans les grands rendez-vous du court, le travail des sélectionneurs est de plus en plus conséquent face à l’augmentation du nombre de films présentés, par exemple plus de 2 000 films français cette année pour la compétition nationale.
Calmin Borel, délégué général du festival international de Clermont-Ferrand, souligne la place plus que jamais nécessaire des festivals, pour accueillir ces réalisateurs émergents et faire que « tout le monde ait un maximum d’opportunités ».


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Le court métrage est plus que jamais un « incubateur de talents » : la découverte du cinéma de demain y exige justement davantage de moyens. Dans un univers affranchi de nombreuses contraintes, les regards avertis sont encore plus précieux pour dénicher et accompagner les talents.

La deuxième table ronde de la journée a questionné la place du court sur les plateformes digitales, acteurs de la diffusion devenus incontournables en l’espace de quelques années, le format court se prêtant facilement aux nouveaux usages liés à la SVOD et à l’utilisation nomade. Jean-Samuel Beuscart, sociologue et chercheur en économie des contenus numériques, souligne que les algorithmes, outre qu’ils augmentent la consommation et les ventes sur les plateformes digitales, contribuent à élargir les choix du spectateur vers de nouvelles œuvres, dans une logique de diversité. Les recherches s’orientent aujourd’hui sur la façon dont les algorithmes s’adaptent à une demande plus ou moins grande de découverte et de diversité du spectateur.

Dans ce contexte, Alexis Viprey, chargé de la distribution digitale à L’Agence du court métrage, souligne l’importance cruciale de l’éditorialisation pour développer la distribution sur les plateformes en ligne et explique que L’Agence du court métrage est en train de tester différents modèles auprès d’une vingtaine plateformes afin d’avoir un retour d’expérience en faveur des ayants droit.

Lucie Carette, chargée de mission vidéo à la demande et innovation VOD au CNC, souligne que l’économie des plateformes est désormais dominée par les offres d’abonnement des « GAFAN ». Néanmoins, le CNC, qui accompagne aujourd’hui 50 plateformes françaises, a dans l’attribution de ses aides, une attention particulière vis-à-vis du travail éditorial mené. Dans ce cadre, des politiques d’incitation à la diffusion du court ont été mises en place, attribuant notamment des bonus aux plateformes diffusant des courts métrages. De nombreuses plateformes se saisissent ainsi avec succès du format court.

Lucie Canistro, responsable des acquisitions court métrage chez Universciné, rappelle que le court métrage, avec plus de 100 acquisitions en 2018, s’inscrit pleinement dans la stratégie éditoriale d’Universciné, qui a un public cinéphile et avide de découverte. Le court métrage est ainsi éditorialisé via des opérations événementielles, des partenariats et des présentations de filmographies de cinéastes, où courts et longs métrages sont présentés ensemble.

Cyril Barthet, fondateur de Vodkaster et responsable de l’offre VOD de Télérama, présente la démarche de Télérama qui vise à offrir prochainement à ses abonnés un « bouquet de contenus », éditorialisés par les journalistes de la rédaction et mené en partenariat avec des plateformes partenaires (Tenk, Mubi, Brefcinema, etc.). L’enjeu, à travers la prescription des journalistes, est ainsi de « susciter du désir » et à « dénicher des pépites », notamment pour le court métrage, qui sera, comme le rappelle Cyril Barthet, présenté à égal avec d’autres œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Cette logique de mise en avant éditoriale doit être étendue et renforcée par de nouveaux leviers, notamment par la mise en place d’un référencement des courts métrages disponibles sur les différentes plateformes. Le court métrage doit également être identifié au sein des obligations de diffusion qui seront imposées aux plateformes internationales.


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Cette journée du ROC ponctuait avec enthousiasme la « Fête du court métrage ». Nous souhaitons une belle semaine et beaucoup de succès aux centaines de films et de talents programmés du 13 au 19 mars, en France et dans le monde, et aux milliers de lieux de projection qui se sont mobilisés pour leur défense et leur découverte.